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De l’autre côté du fût

INTRODUCTION

Les fins de saisons sont souvent rythmées par les résumés, les rétrospectives, avec chiffres et photos à l’appui. L’occasion de tirer des bilans plus ou moins objectifs et de se projeter vers l’année prochaine. A mon retour de Djeddah, j’ai tout de suite eu envie d’écrire quelques choses en lien avec ce nouveau rôle dans le cirque du WRC. Mais plutôt que de livrer un énième post insipide dont les codes m’échappent totalement, pourquoi ne pas rentrer dans les coulisses d’une fonction méconnue mais ô combien essentielle dans le rallye moderne ?

Mi-2023, je prends une décision radicale : quitter un poste en CDI qui me rend malheureux dans le domaine de l’aéronautique, pour me redonner une chance dans celui du rallye que je n’ai jamais vraiment quitté. Que ce soit comme photographe, copilote ou coordinateur, je me suis toujours débrouillé pour y laisser un pied, mais la dernière fois que les deux y étaient, remonte à la saison 2017 au sein de l’équipe CHL Sport Auto. Et clairement j’avais un goût de trop peu. En pleine dépression professionnelle, la proposition d’épauler au pied levé l‘équipage Ciamin-Roche au sein du Sarrazin Motorsport pour le Rallye de Sardaigne 2023 ne pouvait pas mieux tomber, un cadeau tombé du ciel. A l’issue, j’avais la conviction que j’étais à ma place et plus aucun doute sur le virage à prendre pour la suite.

Une deuxième partie de saison 2023 riche de 8 rallyes en 5 mois dont 2 autres WRC, des manches en France et en Belgique, la victoire de Gryazin à Langres, la collaboration avec Linnamäe et la Finale des Rallyes à Ambert. Je retrouvais l’effervescence des rallyes et l’accompagnement des équipages qui m’épanouissent tant. Pourtant, pour 2024, le calendrier est encore bien vide hormis mon rôle de copilote ouvreur sur la manche d’ouverture du WRC. Je rempile pour la 5ème fois dans la voiture 0 au Rallye Monte Carlo avec mon ami Florian Bernardi. Toujours un honneur et un privilège d’occuper ce poste même si pour cette dernière année, nous avons été accablés par les ennuis mécaniques. Et maintenant ?

J’ai tardé à me refaire connaître auprès des équipes, de mes contacts et toutes les places éventuelles en freelance sont prises. Je passe à un cheveu (mon dernier !) d’une place chez un constructeur et je commence à être à court d’idée. C’est en élargissant mon spectre que j’en viens à scruter les besoins chez des fournisseurs du championnat comme les pneus, l’essence ou la logistique. Cette fois sans contact. Et miracle, l’actuel fournisseur officiel de carburant depuis 2022, P1 Fuels, publie une annonce pour un coordinateur pour ses activités. Je postule sans hésiter, même si la description est floue. Et puis j’attends. Quelques jours, semaines et toujours rien. A force de relance, je décroche un entretien, puis un second, un troisième, devant des personnes différentes. Finalement, à la veille de partir pour le Kenya, j’obtiens le poste mais trop tard pour le billet d’avion. Début programmé au Rallye de Croatie 2024.

Je ne perds pas de temps pour comprendre ce nouveau job et épluche la documentation disponible et les archives des deux dernières années de l’entreprise. Je suis passé maitre en matière de fouille de « drive » partagé et je commence à recoller les pièces du puzzle même si tout n’est pas clair. Je veux être le mieux préparé possible et assurer. Mais c’est sur site que tout prendra sens. Bien sûr, pour cette première épreuve je ne suis pas seul. Je suis épaulé par mon manager, un exemple d’intégration et d’adaptation. Il ne connaissait rien au sport automobile avant d’effectuer ses premiers stages chez P1 Fuels, et pour cause, il a quitté son pays pour suivre des études supérieures en management en Allemagne. Mais il se prend au jeu, s’adapte, gagne en responsabilités et en 2022, il gère 4 championnats : WRC, WRX, WTCR et karting ! Rien que ça ! Heureusement pour lui, l’entreprise s’est étofée mais il a découvert ce milieu à la dure. Je pars donc avec quelques avantages.

Je rencontre les différents membres de l’équipe, leurs rôles. Un patchwork d’expériences et de nationalités. Certains étaient déjà refueler pour Total ou Panta par le passé, d’autres ont connus le rallycross, le WTCR, ils sont pour la plupart mécaniciens et je suis le seul français côté P1 Fuels. Je découvre les différentes tâches comme la distribution des fûts, le montage de la structure, la répartition du carburant entre les groupes, les interactions avec les organisateurs, le déroulement d’un refuel puis la vérification du volume distribué. Mais très vite je veux participer, ne pas être simple observateur. Je prends donc spontanément le lead sur certaines tâches, retravailles des outils informatiques, pose des questions. A la fin du rallye, au restaurant, on debrief de façon informel avec mon responsable qui est ravi de cette première course. Dès la deuxième manche au Portugal, je volais en solo et sur certaines, mon manager ne fait même plus le déplacement. Le premier WRC disputé en Arabie Saoudite, fin novembre 2025, constituait la 24ᵉ manche mondiale consécutive depuis la Croatie 2024, une série toujours en cours.

UN TRAVAIL PASSION

Une longue introduction comme j’en ai le secret mais qui me semblait essentielle pour comprendre le cheminement et surtout mon ressenti dans les prochains paragraphes.

Sans mauvais esprit, ce rôle de refueler ou pompiste en bon français m’a littéralement ressuscité. Remettre de l’essence dans la machine, retrouver un second souffle, se recharger, toutes ces descriptions colle avec mon état d’esprit actuel. En 2023, je m’éteignais à petit feu, j’allais tomber en panne sèche bien trop vite dans ma vie de salarié. Ce boost lors de la Sardaigne 2023 a été aussi inattendu que salvateur et j’avais donc envie de raconter l’envers du décor, et ainsi rendre un certain hommage à ces acteurs de l’ombre.

On m’a top souvent demandé si je n’étais pas déçu, si me « retrouver là » pouvait être perçu comme un échec, une régression, comme si ce rôle était dégradant en comparaison à celui de pilote, copilote ou ingénieur. C’est tout le contraire. La véritable victoire est avant tout de travailler dans sa passion, ce qui nous anime, nous fait vibrer : «  Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. » Ce proverbe de Confucius ne peut pas être plus percutant. Je suis avant tout un passionné, un de ceux qui n’arrivent pas à décrocher, qui ne passe pas une journée sans y penser, qui a besoin de partager peu importe le moyen. J’ai goûté, essayé différentes fonctions dans ce sport, tout d’abord par envie puis par curiosité. Celle de photographe m’a émerveillé, celle de copilote m’a façonné, enfin celle de coordinateur m’a complété. Toutes ces expériences m’ont permis de comprendre le sport dans sa globalité et surtout ce que j’aime le plus. Pourquoi un copilote ne pourrait pas être aussi pilote ou mécanicien ? Pourquoi un photographe ne pourrait pas être cuistot ? Tous les acteurs sont importants et participe à des degrés différents aux plus belles victoires.

Lorsque P1 Fuels m’a donné ma chance, je venais d’ouvrir un nouveau chapitre. Je me suis dit que j’avais l’opportunité de découvrir autre chose dans le rouage du WRC. Rien n’est figé, rien n’est immuable. Qui me dit que je ne pourrais pas à nouveau dicter des notes ? Ou guider un équipage à la victoire au sein d’une équipe comme coordinateur ? Personne. Chaque nouvelle expérience est une force pour le prochain qui en profitera. Je n’oublie rien de mon passé.

L’IMPORTANCE DE LA PREPARATION

Comme dans beaucoup de métiers, on ne perçoit bien souvent qu’une infime partie de celui-ci, la phase finale, celle du consommateur. Avant que le copilote ne signe le reçu, une longue préparation a été nécessaire et réfléchie.

Tout commence 6 mois avant le départ du rallye. Nous recevons de la part de l’organisateur, au même titre que la FIA et les constructeurs, une première ébauche du Rally Guide 1 et de l’itinéraire. Des données confidentielles tant qu’elles ne sont pas rendues publiques. Un premier travail d’analyse est nécessaire et à ce titre, j’ai développé quelques outils pour valider rapidement quelques points cruciaux comme la quantité d’essence théorique entre deux zones de ravitaillement. Une quantité qui va dépendre de la catégorie du véhicule mais aussi du rallye en question. Une Rally1 à un réservoir plus faible qu’une Rally2 et ne consomme pas la même chose au Monte Carlo ou en Grèce. Pour connaître ces valeurs qui sont jalousement gardées par chaque constructeur, il a fallu également trouver des solutions alternatives. Un travail de fourmi pour extraire sur chaque rallye, pour chaque voiture présente, sur chaque zone de ravitaillement, des valeurs de consommations moyennes. Des heures passées devant des tableaux qui portent leur fruit aujourd’hui car ces datas sont vitales pour notre travail.

A la suite de ces premiers « checks », nous pouvons faire un retour à l’organisateur, exposer nos remarques, nos craintes parfois, et trouver au plus tôt des solutions alternatives si besoin. Il n’est pas rare que les constructeurs aussi exposent leurs doutes sur le même point que nous faisons remonter, permettant ainsi de crédibiliser notre rôle. En 2024, lors de l’Acropolis Rally, la première version de l’itinéraire prévoyait 6 zones de ravitaillement différentes sur la journée du samedi ! Impossible en pratique, même avec 3 groupes présents. Nous avons alors proposé plusieurs solutions pour en réduire le nombre et nous sommes finalement arriver à 4. Au fur et à mesure que nous nous rapprochons de l’évènement, nous pouvons également vérifier les zones de ravitaillement prévues en utilisant Google Earth et Map. S’assurer que nos camions puissent y accéder, vérifier que la zone est suffisamment grande, praticable lors du montage de la structure, sécurisée pour nos équipes, les concurrents et qui respecte le cahier des charges. Tout est une affaire de compromis évidemment mais découvrir le Jour J une zone inaccessible ou impraticable, et tout le rallye s’arrête. Là aussi, faire modifier un emplacement est courant. L’itinéraire et les roadbooks sont alors impactés. On ne peut pas se retrouver en plein centre-ville ou directement à l’arrivée d’une ES avec les voitures encore brulantes, pas plus qu’en pente sur du sable ou sur la route nationale. Pour cela, le dialogue avec l’illustre Timo Rautiainen est primordial car il comprend comment tout fonctionne et nous aussi.

Il faut compter entre 5 et 10 jours de préparation au cumulé pour une épreuve. Tout dépend de la complexité, de l’expérience précédente, des contraintes nationales, et surtout de l’itinéraire. La partie logistique pure est un casse-tête permanent entre les manches européennes et outre-mer. Gérer les transports routiers et maritimes suivant les pays traversés, les ports, les douanes, les taxes, sur un produit dangereux et souvent peu connu. Nous sommes épaulés pour l’outre-mer par un prestataire expérimenté et compétent mais c’est toujours un soulagement lorsque l’essence arrive au service park. Pour le reste, gestion des vols, des hôtels, lecture des règlements, des roadbooks, vérifications des coordonnées GPS, des commandes et calculs précis avec toutes les datas pour avoir une estimation du volume nécessaire par refuel. Cela nous permet ensuite de répartir l’essence entre les différents groupes. Des tâches étendues de copilote ou de coordinateur en somme. Et bien souvent, tout cela pendant qu’on opère physiquement sur un autre rallye. Les pauses sont tellement courtes que vous devez avoir des rappels et des tableaux de tâches pour ne pas oublier de dates butoirs.

Par exemple, l’essence pour le Kenya 2026 doit être envoyée la première semaine de Janvier alors que les engagements ne seront clôturés que le 9 Mars et que les commandes essence et pneumatiques sont closes au 29 Décembre … A vous de faire les meilleures prédictions !

La finalité de cette phase préparatoire est de rationaliser la quantité de carburant produite et surtout transportée. Un subtil équilibre entre les commandes, le besoin et la marge de sécurité. Les coûts liés aux transports et aux douanes sont faramineux et aucun fournisseur ne peut se permettre de transporter 3 fois plus d’essence que nécessaire, juste « au cas où ». Bien sûr vous ne seriez jamais en manque de carburant, chaque équipe aurait un stock important sur chaque refuel et vous pourriez supprimer toute cette phase de calcul. Plus de stress pour nous ! En réalité, ce mode de fonctionnement n’est absolument pas viable et c’est là que la compétence de vos équipes entre en jeu. Développer des outils, archiver de la donnée, comprendre les rallyes, pour repartir d’une épreuve avec le minimum de carburant.

Je ne sais pas comment les précédents fournisseurs fonctionnaient mais depuis mon premier rallye en 2024, il y a de moins en moins de place au hasard. Nous sommes capable de tomber au litre près sur un refuel ou à avoir très peu de différence entre la théorie et la réalité, et tout ça, sans avoir d’informations des concurrents au préalable.

D’un point de vue sportif, c’est également nous qui proposons le Refueling Guide, présenté et validé ensuite par l’organisateur. Là aussi, pour gagner en efficience et éviter au groupe Remote, les zones de ravitaillement déportées, d’être sur place 3h avant et réduire drastiquement leur temps de sommeil, nous avons arrêté les horaires au feeling et j’ai appliqué une méthode plus pragmatique. Utiliser les vitesses moyennes en course et en liaison pour estimer avec précision l’heure d’arrivée de la première voiture au ravitaillement, adapté selon les pays et grâce aux éditions précédentes si elles existent. Toujours en appliquant une petite marge de sécurité, on obtient des résultats à 5-10min prêt. Quand c’est un tout nouveau rallye dans un nouveau pays, c’est très satisfaisant. Car ce document sert aussi de référence pour l’organisateur pour prévoir ses équipes mais surtout les pompiers. Car sans eux, pas de refuel.

ET ETRE REFUELER ALORS ?

En général nous fonctionnons avec 2 équipes de 4 personnes, dont 2 chauffeurs poids lourd, plus un chimiste. Sur des manches comme le Portugal ou la Grèce, nous passons à 3 équipes de 4 car il y a 3 zones de ravitaillement par jour et l’amplitude horaire et kilométrique ne permet pas de se déplacer. En outre-mer, nous réduisons à 2 équipes de 3 car il y a généralement moins de voitures, sauf en 2025 ! Un groupe s’occupe du Main, basé au service park ou proche, le ou les autres des Remotes, les zones déportées. Dans la majorité des cas le groupe Main ne bouge plus de la semaine mais il arrive que oui, comme au Monte Carlo, au Portugal, en Grèce. Il faut alors démonter puis remonter la structure, autant de fois qu’il y a de zones différentes.

La veille du shakedown ou des essais privés, nous distribuons des bidons pour permettre aux équipes de purger leur système, effectuer des calibrations, tester. Le montage de la structure prend entre 1h30 et 2h pour une équipe rompue à l’exercice. Pour le groupe Remote, le record est de 20min au Kenya 2025 pour une pompe ! Bloqué plus de 4h dans le monstrueux embouteillage menant vers Hells Gate le dimanche, puis escorté par l’armée, la première voiture ne s’est rendu compte de presque rien ! La répartition est de 2 personnes par pompe, un pour connecter et déconnecter les 2 tuyaux et gérer le flux et le second pour actionner la pompe avec le litrage demandé et faire signer le reçu par le copilote. Les rôles peuvent s’inverser d’un refuel à l’autre selon les préférences de chacun.

Les 2min pendant la distribution sont souvent les moments où nous nous sentons un peu dans la course, où on peut généralement échanger quelques mots avec les équipages. Comme les téléphones sont interdits, que personne d’autre que nous ne peut se trouver sous la tente, que nous nous voyons à chaque épreuve, on peut aisément commencer à tisser un petit quelque chose. Comme dans la vie, parfois on échange juste un sourire, une formule de politesse, parfois quand l’équipage est au fond du sot, un simple regard en dit plus que des mots et nous respectons leur intimité, mais souvent les rires et les échanges sont un vrai plaisir. Adrien Fourmaux, que j’ai fait débuter pour son tout premier rallye au Touquet en 2017 dans la Fiesta R2J de CHL, et qui a fini par avoir sa chaise attitrée dans notre refuel, pouvait se lancer dans une partie de morpion avec nous. Côtoyer Alexandre Coria que j’ai connu en 2012 lors de notre campagne en CDF Junior et qui n’était alors qu’un simple supporter me rappelle aussi tout le chemin parcouru. En 2024 au Japon, un couac dans le timing des pompiers nous avait obligé à mettre en pause notre travail alors que Neuville et Mikkelsen étaient sous nos tentes. Moment parfait pour féliciter chaleureusement Martjin et Thierry pour leur titre de champion du monde tout juste confirmé après l’abandon de leur équipier Tänak. Et des exemples j’en ai des dizaines. Sans parler des aurevoirs à Kalle et Jonne dernièrement. C’est furtif mais précieux pour qui est passionné et sensible à tout cela.

La fin d’un refuel n’intervient qu’après le passage de la voiture balai, mais c’est rare, alors pour être sûr de n’oublier personne, nous checkons le système GPS SAS pour traquer d’éventuel retardataire. Parfois les équipes elles-mêmes nous préviennent que leur équipage a rencontré des soucis et sera limite dans les temps. Ensuite il faut préparer le prochain passage en changeant les fûts et je comptabilise les litres distribués pour suivre la consommation, et ainsi valider les calculs théoriques. Cette phase de vérification est primordiale pour savoir si nous sommes en positif ou négatif et ainsi pouvoir rapidement réagir. Il arrive que la consommation soit au-dessus des prévisions et donc que la marge soit impactée. Si c’est ponctuel, pas d’alerte, si cela se répète c’est plus problématique.

Le groupe Remote est certainement le plus sollicité durant la semaine. Même si au global ils font généralement moins de refuel, mais pas toujours, le travail est bien plus éreintant. Route le matin, installation de la structure, refuel, démontage, route vers l’hébergement et rebelote. Les heures de sommeil sont courtes, l’adaptation poussée à l’extrême. Il faut parfois réorganiser la zone de ravitaillement, faire face à des bouchons à l’aller (les plus stressants) et au retour (les plus fatigants). Et je ne parle pas pour trouver un hébergement dans des zones souvent paumées, très peu fournies, avec arrivées très tardives. Certes ils visitent un peu plus que le groupe Main mais ce sont rarement des vacances !

CONCLUSION 

Je ne pensais pas autant m’épanouir dans un rôle qui paraît à la fois en marge de la course et pourtant essentiel. Nous n’avons plus la responsabilité d’une équipe mais de celles de tous les concurrents. Une erreur de calcul et vous pouvez vous trouver à court de carburant et je vous laisse imaginer l’impact sur les résultats, une erreur sur l’estimation du timing et vous n’êtes pas prêt pour la première voiture. Un bouchon imprévu, un accident, et vous bloquez le rallye. On ne s’imagine pas la responsabilité de notre position dans le fonctionnement moderne du WRC. Dans les championnats nationaux ou l’ERC, comme chacun s’auto-gère, au pire cela va impacter quelques protagonistes. En WRC tout le monde va en subir les conséquences.

J’ai d’ailleurs souvent été étonné de l’autonomie laissé par la FIA et les organisateurs à notre encontre. Il n’y a pas à proprement parlé de garde-fou, on vous fait confiance sur vos théories et hypothèses mais gare à l’erreur. La continuité dans les interlocuteurs y contribue largement : certains font ça depuis 10 ans, la majorité depuis 2022. Lorsque P1 Fuels a fait faillite, TotalEnergies qui a repris en urgence la fourniture a fait confiance aux mêmes personnes déjà en place. Vouloir tout changer, c’est un gros risque que les premiers rallyes se passent très mal. Sans dénigrer les autres disciplines, le rallye dans sa partie logistique et fonctionnement est très spécifique, il faut le comprendre pour être efficace. Il y a tellement de paramètres à prendre en compte, de variables, qu’il faut de l’expérience pour anticiper certains problèmes ou très simplement, réserver un logement. On l’a souvent expérimenté quand des personnes de passage, sans expérience, ont repris des postes clés et que tout a failli dérailler.

Certes, je n’ai plus cette adrénaline dans un habitacle ou cette motivation au sein d’une équipe pour aller chercher un résultat ou me différencier sur un point de règlement, mais revoir toutes ces connaissances me comblent. De Gryazin à Marko Salminen, d’Adrien à Alexandre, de Martjin à Jonne, sans parler des ingénieurs, des mécaniciens, des coordinateurs, des techniques ou des sportifs à la FIA. L’important c’est d’être là, d’exercer dans ce qui nous plait et de se sentir à sa place. J’ai la chance de voyager grâce à ce métier et l’ouverture d’esprit est sans aucun doute un cadeau précieux dans une époque parfois sombre. On ne sait pas de quoi sera fait demain, alors on peut simplement apprécier le moment présent pour ne rien regretter.

Je n’ai volontairement pas abordé le sujet épineux du coût du carburant car moi même je n’ai pas toutes les informations. Dites vous simplement que dans le prix au litre il faut inclure: le coût de fabrication (c’est désormais un carburant synthétique), le transport, les taxes douanières, les salaires de 7 à 9 personnes, les vols, les hôtels, la nourriture, les voitures de location, la location ou l’entretien des camions, l’achat de tout le matériel et tenter de dégager un bénéfice pour pouvoir effectuer la course suivante. Vous vous rendrez vite compte que sur ce prix au litre, il ne reste plus grand chose. Dernier point: lorsque vous achetez votre essence pour des épreuves hors WRC, vous recevez un fût. En WRC rappelez vous tout ce qu’il a fallu préparer et faire pour que nous puissions vous distribuer le carburant au bon endroit, au bon moment 😉

Merci à Marwan qui m’a fait confiance en 2024, merci à Adrien, Paulo, Oscar, Pedro, George, Jorge, André, Aare, Antonio, Bruno, Dan, Florian, Ozan, Olivier, Tarmo qui faites un travail exemplaire dans des conditions compliquées aux quatre coins du globe mais qui le faites avec passion, motivation. Clairement, sans esprit d’équipe, je ne vois pas comment nous pourrions y arriver.

Bonne trêve et rendez-vous, très vite, pour les premiers essais 2026 🙂

Sources:

  • Photos: Eyes of Rally / @World / Victor Bellotto

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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.

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