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Jour 7 et 8 (Monte Carlo 2024): Etape 3 et 4 – Samedi/Dimanche

Bien que notre journée de vendredi fut assez courte, le timing incompréssible entre retour à l’assistance, debriefing avec l’équipe technique et celle de l’ACM, et confirmation de notre retour le lendemain, ne nous a pas permis de nous coucher très tôt. Ce matin, il a fallu s’y reprendre à deux fois pour sortir du lit. Le parking de l’hôtel est un peu notre baromètre durant cette semaine, si c’est une patinoire, il faut s’attendre à des conditions similaires en spéciale. Et je vous confirme, ça glisse. Nous repartons de l’assistance motivés pour attaquer cette journée et désireux de terminer notre travail pour de bon. A notre arrivée au départ de l’ES9, notre doublure belge est déjà sur place et nous discutons quelques minutes dans une fraicheur plus coutumière sur un Monte Carlo. Nous avions reconnu cette spéciale lundi soir, de nuit et sous la flotte, alors on applique une marge supplémentaire pour vérifier nos notes. Même avec cette prudence, après 100m de chrono, la Yaris part en luge dans le premier gauche (qui deviendra le piège Mikkelsen quelques minutes plus tard). Une glisse rattrapée par Florian mais un long moment de solitude: « Il reste 18,7km ». Oui ça va être long.

Sans exagération, ce fut un calvaire. Je commence à avoir fait un petit paquet de rallyes en France et à l’étranger, dans différentes conditions, sur différents terrains mais cette spéciale là intègre directement le podium. Impossible de savoir quand il y aurait du grip ou de la glace. Sans cesse à tatonner, crispés du prochain freinage, du prochain virage, avec l’impossibilité de juste promener jusqu’à l’arrivée. Il fallait garder du rythme pour conserver un écart avec Katsuta mais bon sang que se fut dur. Pourtant je le connais bien ce chrono mais je n’ai jamais ressenti ça. A l’arrivée je félicite Florian, et on pousse un grand ouf de soulagement. Sans ouvreurs c’est une loterie. Si nous étions mal révéillés ou groguis, cette fois le pic d’adrénaline était à son maximum. Et avec les évenements de la veille, hors de question qu’on parle de nous pour d’autres raisons que notre travail de sécurité.

La longue liaison vers les Nonnières nous a permis de retrouver nos esprits et faire descendre la pression. Aujourd’hui nous allons parcourir pas mal de kilomètres mais ce n’est rien comparé aux courageux spectacteurs. Au dernier croisement avant le départ qui est à 8,9km, il n’est plus possible de monter en voiture. Les raisons sont nombreuses et explicables mais c’est vrai qu’on voit des différences et un manque de cohérence entre tous les points d’accès. Par exemple à la Bréole sur l’ES 5/8/15, vous pouviez vous garez sur la grande nationale et vous aviez moins de 1km pour rejoindre soit le départ, soit la première épingle gauche. Très facile. Alors que sur cette ES10, malgré une route est large et propre, vous deviez effectuer une randonnée de plusieurs heures. Parfois ce sont les services de gendarmerie qui décident de l’organisation et non directement l’ACM mais à voir toutes ces personnes, si loin du départ alors que nous sommes déjà là, cela nous rend quelques peu triste pour eux. On doit pouvoir trouver des solutions plus acceptables pour ne pas dégouter les gens. Là haut, le vent souffle et pique la peau à travers la combinaison mais la route semble bien sèche car bien exposée au soleil.

Du moins sur la première partie. Dès que nous avons passé le col et que nous sommes sortis du tunnel, c’est 2 salles 2 ambiances. Brouillard, humidité, graviers, pommade humide, vous avez intêret à switcher très rapidement. C’est trés glissant, sinueux et technique et je ne vous parle pas de la descente qui on l’imagine, sera démentiel en Rally1. Pour terminer cette première boucle, il nous faut traverser le Trièves pour nous rendre à Pellafol pour une spéciale que nous connaissons également. La 0 spare nous y attend et on leur raconte ce que nous avons vécu dans l’ES9. Pour ce 11ème chrono, pas de pièges givrés connus, une humidité logique dans les gorges et pas encore de cordes venues d’un autre monde, c’est nettement plus facile que ce matin. Mais au km15.16 sur 21,37, la douche froide. Notre « zéro » toussote et stop. Devant les caméras de WRC+ on effectue plusieurs manipulations, plusieurs reset mais le résultat ne change pas. Elle démarre difficilement, prend peu de tour et dès qu’on essaye d’avancer elle cale. Action, réaction, on se laisse descendre en marche arrière pour aller se garer en sécurité car Katsuta est déjà parti depuis 2min. Pendant que Florian sort et inspecte le compartiement moteur, je prend la radio pour prévenir de notre arrêt. J’ai la sensation d’avoir déjà vu ces images … Je pense que la direction de course n’en croit pas ses oreilles pourtant nous devons une nouvelle fois abandonner. Et les images du direct confirme ce qui vient de se passer. Ca fait beaucoup et je peine à retenir ma frustration.

Une nouvelle fois nous abandonnons l’équipe sécurité, une nouvelle fois nous ne pouvons rien faire sur place, une nouvelle fois nous sommes à 800m d’un point d’extraction et une nouvelle fois nous devrons attendre la fin de la spéciale. Pour courronner le tout il n’y a aucun réseau mais heureusement la radio portative passe. Nous nous plaçons en zone public et attendons les instructions. Pour l’anecdote, en discutant avec Alexandre Coria et Louis Louka, le message qu’une voiture était arrêtée s’est affiché sur leurs GPS, la première fois à 500m de nous voir puis en repassant au dessus de nous après l’épingle gauche. C’est surtout de voir marquer « 0 » qui forcément les a interpelé. Il faut croire que ça arrive. Nous convenons avec l’ACM de pouvoir redescendre en contre sens pour sortir le plus rapidement possible et retrouver l’équipe sans intervention d’une dépanneuse. Une fois le dernier concurrent passé, le directeur d’épreuve ne perd pas une seconde et nous indique que nous pouvons démarrer la manoeuvre. A faible allure nous parvenons malgré tout à redescendre tranquillement en croisant les regards des spectateurs qui se demandent ce qui se passe. Certains nous chambre un peu à coup de corne de brume et de sifflet. On préfererait se cacher profondément dans sa combi dans ces moments là.

Une fois sortis de la spéciale, on décide de remonter la route pour s’avancer, tout ça à 2000tr/min et 17km/h. On a le temps d’admirer les montagnes enneigées du Devoluy, au cas où on avait loupé un détail durant l’heure et demi précédente. L’équipe nous rejoint et entame son diagnostic. Après 1h et différentes manipulations, ils sont à court de solution et doivent rentrer au parc de Gap. A ce moment, nos espoirs de repartir cet aprem s’envolent. On fait un crochet par le refuel pour tenter une autre manipulation mais pas d’évolution. Je me rassure juste sur le fait que le réservoir est à moitié plein donc que ça ne vient pas d’une erreur de calcul de ma part. De retour sous la structure, l’équipe continue ses investigations, fouille les datas mais à 17h, elle ferme le capot et prépare l’assistance du soir. Le peu d’espoir qui restait c’est peut être définitivement envolé mais notre interlocuteur nous indique qu’ils ont encore une cartouche et qu’ils nous tiendront au courant. On apprendra en début de soirée qu’ils ne trouvent pas ni ne comprennent la panne et que nous ne pourrons pas repartir. C’est un trés gros coup de massue. Je ne sais pas si je ne l’ai pas plus mal encaissé que si j’étais concurrent.

Notre 5ème édition comme équipage de la 0 s’arrête donc brutalement, après 140km de chrono sur les 324 au programme. A chaque fois que de la famille ou des amis avaient prévus de nous croiser à l’assistance ou en chrono, nous étions en spectateur sur la spéciale précédente. Même en anticipant l’impensable, personne n’est infaillible et ce cru 2024 a créé un précédent qui sera debriefé et analysé pour la suite. Malgré les semaines de préparation, j’ai l’impression de ne pas avoir pris pleinement part à ce rallye, d’avoir toujours été en décalé. J’attendais tellement ce retour sur Gap dans ce rôle, ce n’est pas pour rien que j’avais envie de vous le partager via ces carnets. Il faudra pourtant bien le digérer. L’important est qu’une nouvelle fois tout ce soit dans l’ensemble très bien passé, qu’il n’y ait pas eu de spéciales annulées, pas d’accidents sérieux, pas de couac et que les batailles à tous les niveaux aient passionnées les gens. Le dimanche matin nous sommes quand même descendu sur Monaco, d’une part parce que je devais bien récupérer ma voiture, mais aussi pour être présent à l’arrivée et saluer et remercier ce qui organise toute l’année ces grands évenements. Remonter la file des équipages en attente de passage sur le podium a aussi été un très bon moment qu’on a rarement la possibilité de faire, prendre le temps d’échanger avec les amis qui vivent une vraie aventure.

Merci à tous pour votre suivi et vos retours. Rendez vous, nous l’espérons dans 1 an pour repartir sur de bonnes bases et continuer ce rôle passionnant.

Crédits photos: Victor Bellotto

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hiringa25 Tout afficher

C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.

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