Jour 6 (Mon Monte Carlo 2019)

6h30. Cette journée démarre comme la précédente. A l’exception près que cette fois, nous avons pu profiter d’une vraie nuit de repos. Pour la première fois depuis le début de l’aventure, je n’ai pas cette petite boule de stress, c’est devenu quasiment une routine.
7h15. Notre chauffeur Paolo nous attend à l’extérieur de l’hôtel. J’ai pu avaler mon petit déjeuner normalement et la température est même en « hausse » (il fait toujours -5°C quand même). Pour le moment, la journée démarre idéalement.
7h28. A peine arrivée à l’assistance et avoir dit bonjour aux membres de l’équipe, que je reçois les photos de FX. Timing parfait. Je ne perd pas une seconde et attaque les 40 pages de corrections pour la spéciale d’Agnières, la plus longue du rallye.
7h58. J’en termine avec mon charabia et nous filons au parc fermé. J’en profites pour saluer et discuter brièvement avec Yannick et Louis, respectivement copilotes de Ciamin et Munster.
8h57. Nous venons de nous garer à 2km d’Agnières en Dévoluy. La neige recouvre le paysage mais peine à rester sur la route. Mais nous savons que la spéciale est à 60% neige/glace. La petite pause dans ce cadre naturel est idéale, c’est beau non ?
9h26. Le chrono décompte les secondes qui nous séparent du premier virage. Les changements de setup vont indéniablement dans le bon sens et nous donne envie de forcer un peu plus sur la glace. Malgré ses 29,82km, on a la sensation qu’elle est bien plus courte que les précédentes. Pour la première fois du rallye, j’ai pris un vrai plaisir en tant que copilote. Depuis le départ, les ES sont vraiment corsées, très dégradées, piégeuses et le débit de notes élevé. Aujourd’hui, la donne change.
10h58. Nous en terminons avec Saint Léger les Mélèzes. Là encore, c’était le pied ! La mini partie glace par les portes et la descente ultra rapide en clous, à plonger dans les cordes tapis de cailloux et de terre. Nous venons de remonter 23ème. A l’arrivée, nous avons le droit aux traditionnels tourtons du Champsaur qui tombent à pic pour entamer la liaison jusqu’à Gap.
13h55. Après l’assistance de mi-journée, nous voilà repartis en spéciale avec l’intention de confirmer les progrès constants depuis le départ. La glace à pas mal fondue, le sol sèche par endroit et nous haussons le rythme. On passe Lappi, puis Munster en spéciale avant que quelques kilomètres plus loin, au moment de monter le 4ème rapport, quelque chose casse. Jean Michel a dans sa main, un levier mou qui n’actionne plus rien. On pense être bloqué en 3 et il reste encore plus de 8km. Au moment de reprendre la grande allonge après Pellafol, on décide de s’arrêter pour essayer d’identifier le problème. J’attends que la voiture soit stoppée afin d’appuyer sur le bouton « OK » du GPS et signaler à la Direction de course que tout va bien et accessoirement s’éviter une lourde amende.
Ce n’est pas le câble mais carrément la tige qui relie le levier à l’actionneur du barillet qui est cassé ! On repart alors illico pour sortir de la spéciale et tenter de réparer. On perd plus de 3min30 (avec une crevaison en prime) mais surtout, on ne sait pas si on va pouvoir repartir. Les spectateurs commencent à s’agglutiner autour de nous et tenter de nous aider, ce qui est bien sûr interdit. Il faut toucher avec les yeux et aider par la parole. Après plusieurs tentatives on parvient à descendre des rapports mais pas à les monter. Faire le routier, plus l’ES12 et encore le routier jusqu’à l’assistante bloqués en 1 ou 2 est impensable. On pense à abandonner, rentrer à l’assistance puis finalement, Jean Michel se met en quête d’une corde ou d’une tige assez solide pour remplacer le tube cassé. Et ça fonctionne ! On arrive alors à monter les rapports en tirant fortement sur la ficelle en question mais pas moyen de rétrograder sans arrêter l’auto, ouvrir le capot et se coordonner pour faire coïncider les 2 tubes dessoudés.
J’annonce alors à Jean Michel que nous devrions déjà pointer au départ et qu’il nous reste 37kms à faire. Dans 30min, nous sommes hors course, et sans Super Rallye, c’est l’abandon définitif. Nous repartons finalement, décidés à abandonner. On se stoppe peu de temps après Corps pour réfléchir et calculer. L’équipe nous pousse à continuer malgré nos réticences à flinguer un moteur ou exploser un embrayage. Nous sommes au Monte Carlo, et toutes les plus belles histoires comportent ce genre de péripéties. En un éclair, on se jette dans l’auto et on attaque notre course contre la montre. 1, 2, 3, 4, Jean Michel actionne sa ficelle à la Mac Gyver pour monter les rapports. Tout se passe bien sur un routier sans embuches mais à l’approche de rond point, feu rouge, croisement, etc … le stress monte. L’embrayage encaisse, souffre mais il tient. A 2min59s de la mise hors course il nous reste encore 3,83km. Je lui dit que ça ne passera jamais. Et pourtant. On aperçoit le panneau d’entrée de zone et je jette mon carnet à 15h13 et quelques secondes. Nous avions jusqu’à 15h13’59s pour rester en course …
15h14. Pendant que les commissaires inscrivaient l’heure sur le carnet, j’ai pu récupérer les casques avant de rentrer en zone. Une grosse partie du chemin est faite mais il reste le départ, et le donuts à 300m, le seul du rallye. En 4ème je le rappelle. Miracle, on réussit à s’extirper de la ligne et à sortir du rond point. Si nous avions court-circuiter le donuts, c’était une pénalité de 30s qui s’ajoutait à nos 5min pour retard de 30min et la mise hors course. Car oui, nous avons le droit de pointer 30min en retard sur l’ensemble d’une journée ou entre 2 CH. Donc pour nous, toutes pénalités supplémentaires sera éliminatoire. On réussit à terminer l’ES, heureusement en majorité en descente même si nous avons dû nous arrêter peu de temps après le départ pour de grosses vibrations.
16h27. Le dernier routier avant la délivrance. On peine à y croire. Pourtant la mécanique a tenu et nous sommes enfin à la Média Zone. On retombe les rapports pour se mettre en 1 et préserver l’embrayage. L’assistance va avoir à son tour beaucoup de travail.
17h15. Nous repartons de l’assistance. L’équipe a une nouvelle fois fait un boulot de titan en changeant embrayage, sélecteur, disques avant et un soucis de protège carter en 45min. Chapeau les mecs !
20h22. Nous en terminons avec ce long routier interminable qui fut tout de même un peu stressant vu la circulation dense, notre journée et l’espoir qu’il n’y ai pas de problèmes cachés. Nous sommes accueillis à Monaco avec un gigantesque feu d’artifice, comme un signe après notre journée mémorable.
01h30. Motivé et prêt à perpétuer ma belle série de carnet sans pointage en retard malgré le réveil programmé à 6h00 le lendemain, mon Mac vient de me faire une manip qui a effacé tout mon brouillon ! Je jette l’éponge et décide d’écrire ce jour 6 sur la route du retour (il est 21h26 ce dimanche).
A demain pour ce 7ème et dernier carnet !
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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.