Jour 7 (Mon Monte Carlo 2019)

6h00. Septième et dernier jour de course. La nuit fut courte évidemment mais pour quelqu’un qui n’est pas du matin, je trouve que je ne m’en sort pas si mal. La veille, la direction de course avait refusée de nous reclasser et nous n’avons pas insisté malgré nos arguments en faveur de la sécurité.
6h35. Paolo est fidèle au poste en bas de l’hôtel comme durant toute la semaine et nous nous dirigeons vers le port où est placée la TFZ (Tyre Fitting Zone). Aujourd’hui il n’y a pas d’assistance, seulement un changement de pneus.
7h10. A notre tour de nous élancer pour cette dernière étape. Pas vraiment de surprises, même à 1600m d’altitude au Turini. Pour la première fois du rallye nous roulerons en pneus slicks et cela devrait être plaisant sur ces routes. Matteo travail bien plus vite que nous et je n’arrive pas à le suivre pour savoir où l’aider.
8h35. Nous sommes arrêtés à Lantosque, à 6km du départ et il reste encore près de 30min. Autant les routiers étaient limites depuis le départ du rallye entre la distance, les conditions et surtout nos multiples changements de pneus, autant pour la dernière étape, nous poireautons à chaque fois 20, 30min. Ce n’est pas pour me déplaire lorsqu’on peut discuter un peu avec les autres équipages.
9h08. « D à fond 50m G110 vite pour G120 pour Epingle D80 » J’annonce les premières notes de l’ES13 et rapidement je sens le rythme bien plus fluide. La route est plus facile à lire, la trajectoire est simple, il n’y en a qu’une et les notes sont donc allégées. Au sommet du Turini, pas de neige et peu de spectateurs. Par mesure de précaution, les routes ont été bloquée la veille et très loin de la spéciale, mais quelques soldats sont allés un peu plus loin et surtout sur la prochaine spéciale qui sera décisive.
10h07. Nous franchissons la ligne d’arrivé de la spéciale 14 dans laquelle nous avons vraiment pris du plaisir. Surtout dans la dernière partie typée « chemin de chèvre » rythmée avec un goudron dégradé mais surtout une foule impressionnante massée tout du long. On repart pour refaire la même boucle dans la foulée.
10h56. Rebelote, pause pipi à Lantosque. On arrive à temps pour croiser Neuville et Ogier, prêts à en découdre. J’aperçois Yannick récupérer une barre de céréale dans son sac et mon cerveau en salive par la pensée. J’ai tellement voulu maximiser mon temps de sommeil que je n’ai pas déjeuner ce matin et arrivé à la TFZ, le stress et la peur de courir dans tout Monaco à la recherche d’une boulangerie était hors de propos. Mais ne faites jamais ça les enfants, c’est mal ! Pourtant un bon samaritain, qui m’entend dire à Jean Michel que j’ai faim, me propose gentillement et spontanément, deux barres au chocolat, le graal ! Encore merci !
12h13. Nous venons d’entrée dans Peira Cava au regroupement avant la dernière spéciale. Pour les besoins de la TV, tous les équipages sont en attentes et partent dans un ordre prédéfinis pour que les classements se jouent en directs. Ogier partira donc 14ème pour qu’après 1h d’antenne, les spectateurs puissent découvrir le vainqueur du rallye. Nous avons donc plus d’1 heure à patienter mais l’organisation à fait les choses bien.
12h25. Je me jette sur le buffet mise à disposition pour les équipages pour se restaurer. C’est un peu surréaliste quand on rentre car vous avez la table des finlandais comme Latvala, Suninen et leurs copis respectifs, la table de Julien Ingrassia avec Sarrazin et Rossel, ou encore Loeb, Neuville, Elena et Gilsoul et enfin la table Hautes Alpes avec Ogier et ces anciens camarades de jeu du temps du Volant 206. Quand on sait que les deux premiers sont séparés de 0,4s, il doit être difficile d’avaler un truc !
13h27. Nous sommes au départ de notre dernière spéciale du rallye. Une aventure commençait il y a une semaine tout juste, à faire des milliers de kilomètres, gratter des pages et des pages, passer des heures au téléphone, engloutir des kilos de pâtes délicieuses, dicter plus de 4h de notes, calculer des refuel, changer des dizaines de fois les pneus, prendre 128 fois les pressions et tout ça avec à peine 5h de sommeil par nuit. C’est le moment de se lâcher et d’en profiter.
13h38. Nous y sommes, au bout de ce voyage ! Sitôt arrivés à la table de pointage on demande le nom du vainqueur car au départ ils n’avaient pas su nous dire. A l’annonce des heureux élus, j’ai spontanément mon point qui se sert de joie et qui termine en beauté cette 87ème édition après une lutte splendide. Pour cette dernière liaison plus de stress de réseaux mais de trafic. Les spectateurs repartent tous et ils sont nombreux. Sur ces routes étroites, nous avançons à allure d’escargot et je zieute ma montre toutes les 24s.
14h57. C’est l’heure de mon dernier pointage mais nous pouvons le faire en avance. A peine le temps de saluer et remercier nos ouvreurs et notre équipe que je rappelle Jean Michel pour entrer en parc fermé. C’est la cohue: tout le monde veut en finir avec son rallye mais il n’y a qu’une table de pointage. Si bien que certains pointe avec 25min d’avance alors que d’autres sont à deux doigts de pointer en retard alors qu’ils attendent depuis 20min.
15h02. La voiture est garée, j’ai rendu mon carnet et je peux enfin apprécier. Je profites de mon statut de copilote pour approcher le podium de derrière et regarder la cérémonie. C’est émouvant de voir toute une équipe exulter et le discours de Seb prouve l’intensité pendant ces 4 jours éprouvants et le soulagement d’avoir ganger pour la 7ème fois, SON rallye. Bravo les champions.
L’aventure s’achève ainsi, sur le port de Monaco comme nous le souhaitions. Certes pas à la bonne place mais au moins nous y sommes. Jean Michel à quand même tenter d’installer Jean Ragnotti à sa place pour monter sur le podium ! Ils sont fous ces Vauclusiens !
A travers ces carnets (presque) quotidiens, j’ai voulu vous plongez dans l’intimité d’un équipage en championnat du monde et plus particulièrement sur cette épreuve du Monte Carlo qui est sans doute l’une des plus difficiles. L’amplitude horaire, le casse tête permanent, la gestion des ouvreurs, de la fatigue, contribue aussi à sa légende et sa renommée. Merci à tous pour vos nombreux témoignages positifs et même élogieux pour certains. Si le concept plait, pourquoi ne pas continuer ?
Je terminerais par remercier mon pilote Jean Michel qui en plus de m’avoir fait confiance, m’a permis de refermer une plaie, notre équipe de Metiorsport avec Paolo, Matteo, Ivan, Valentino et Kevin qui ont tout donné avec le sourire et qui ont fait un travail de dingue pendant une semaine, à nos ouvreurs Eric et François-Xavier qui nous ont amené à bon port via leur conseil et leur professionnalisme et enfin vous tous qui nous avait soutenu de différentes manières. Oui, le rallye c’est tout cela. Alors merci !
Catégories
hiringa25 Tout afficher
C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.