Jour 6 et fin (Rally Islas Canarias 2019)

7h15. Deuxième et dernier jour de course. Après un petit déjeuner rapide, nous nous mettons au travail avec Florian et regardons les caméras embarquées. En plus de peaufiner les derniers détails, cela fait office d’échauffement mental. A 9h00, nous sommes en route pour le parc fermé, déterminés à conserver notre position de leader.
11h20. On termine cette courte spéciale d’Arucas et le feeling n’est pas bon. Hier la voiture nous convenait à la perfection mais ce matin il nous manque un petit quelque chose. C’est la première fois que nous signons un temps hors du Top 3 (excepté les 2 SS de Las Palmas) et on se doit de réagir, aller de l’avant. Dans la spéciale suivante de Moya, nous réalisons le scratch d’une courte tête, non sans avoir pris beaucoup de plaisir ce qui à mon sens était presque le plus important. Garder l’esprit positif et conquérant.
13h28. Nous en terminons pour cette avant dernière boucle et finalement nous n’avons concédés que 3s au second qui lui a changé: Jean Baptiste et Anthony viennent de repasser Yohan et Benoit. Ce duel entre français va monopoliser l’attention des suiveurs après que le suspense pour le général ce soit envolé dès le premier chrono du matin. Nous profitons du regroup pour revoir nos caméras, que l’on continue à l’assistance. Nous avons manger en 5min montre en main, on ne parle même pas de la décompression mental et physique ou d’une pause. Depuis ce matin 9h33, nous n’avons jamais arrêté…
14h48. On améliore de 6s notre temps du matin dans Arucas. Surtout, le comportement est nettement meilleur et sur à peine 7km, la progression est significative. Mais on a aucune idée de ce que vont faire les autres. Avant de partir du point stop, Julian Porter, le speaker officiel, remarque ma décoration de couvre chef atypique et me demande une photo. Cela aura au moins permis de décompresser un bref instant, tout comme la mise en place aléatoire de la cagoule de notre mécano/chauffeur Daniel. Quel fou rire au refueling ! Avec le scratch d’une courte tête, on se rassure un peu.
16h42. On en termine avec Moya et un drôle de pressentiment. En avance à mes inters en début de spéciale , on perd un peu de terrain sur la fin et à l’arrivée on est 1,9s moins vite que le premier passage, ce qui est louche. Dans un gauche vite en appui, l’arrière nous a subitement décroché et nous a vraiment surpris. Florian s’est même interrogé en pleine spéciale sur un sous virage excessif. C’est finalement en voulant modifier le setup avant Galdar, qu’on s’aperçoit que la rotule de barre stabilisatrice avant a cassée.
17h29. Pourtant, on a jamais perdu de vue notre objectif et notre détermination. Même quand on a découvert le temps de Franceschi. On savait que ça allé forcément nous compliquer la tâche mais que pouvions nous faire d’autre ? Sur la ligne de départ, Florian me dit: « On a connue pire comme Moyrazès ou Rome sur 3 amortos ». Et il avait raison. Les 8 premiers kilomètres atypiques de Galdar sont négociés avec rage et en toute franchise je peine à tout débiter dans le timing. Je n’ai aucune visibilité ni même de ressenti tellement tout s’enchaine, saute, tape et tout ça avec un dénivelé qui ferait pâlir un Kilian Jornet. Le rétro droit paye la recherche de la trajectoire idéale et à l’arrivée on est en nette amélioration. On découvre le chrono de nos « Fordiste », 2 minutes avant de repartir pour la dernière spéciale. Notre avance vient de tomber à 6,3s.
17h44. C’est vraiment dur de rester concentré, sûr de ses forces et ne pas plier sous la pression de l’enjeu. Heureusement, la saison 2018 nous aura bien préparée. On sait que la première partie en montée, sur des routes plus larges, est à l’avantage de la Clio mais cette casse de barre stab’ est clairement un handicap. Après 200m, lorsqu’on aborde la première épingle droite, la voiture plonge exagérément de l’avant, la roue arrière extérieur se lève et les dixièmes défilent. Ca va être long. Dès que l’on prend de la vitesse, le phénomène s’atténue car l’arrière nous aide mais les longs Gauche en 6 avec freinage en appui sont stressants. On plonge alors dans la descente et là Florian donne tout ce qu’il peut. La Clio danse et saute d’un virage à l’autre avec la souplesse d’un low-rider. Il essaye de garder le plus de vitesse possible, sous virer au minimum et réaccélérer tôt. En quelques kilomètres il adapte sa conduite pour ne rien regretter. C’est un balai mécanique de 10min qui aura été éprouvant et comme en 2018, il craque en franchissant la ligne d’arrivée finale.
18h12. J’envoi un message à toute l’équipe en disant que Florian a tout donné, qu’on améliore encore notre chrono mais l’attente est insoutenable. On ne sait pas si on a gagné ou pas, où en sont nos adversaires, on est spectateur. Florian décide de garer la Clio et d’attendre Jybé et Anthony au point stop. On commence à nous envoyer des inters: « -0.7s au Col », « -1,1s au 2ème inter ». Est ce que ça va le faire ? Il faut que ça le fasse.
18h19. On est pendu au dessus de l’épaule du chronométreur qui note le temps de la n°48. Avec un temps de 10’03″00, ils doivent faire moins de 9’56″7 pour l’emporter. Lorsqu’il inscrit 10′ … je sais que c’est bon ! On explose de joie et le soulagement est immense ! L’émotion est très forte, on croirait qu’on joue la victoire scratch en WRC. On s’empresse de féliciter nos adversaires qui nous ont poussé dans nos retranchements et qui ont véritablement donné du crédit au résultat.
19h35. Nous montons pour la deuxième fois sur la plus haute marche du podium au Rally Islas Canarias. Ce podium 100% français en 2 roues motrices démontre, une fois encore, le niveau des tricolores sur tarmac. Le respect et la complicité entre nous est aussi à souligner et seul le rallye peut procurer de telles sensations. L’équipe aura une nouvelle fois fait un boulot exemplaire, la Clio R3T aura marchée à la perfection et rentrera sur le continent, immaculée ou presque (les plots en plastique rayent !). Tous les objectifs sont remplis pour une reprise après 6 mois de pause et une préparation réduite à une journée d’essai. Ils nous tardent de découvrir de nouvelles contrées pour la suite du championnat. Merci à tous de votre support !
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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.