Jour 4 & 5 (Rajd Polski 2019)

Comme lors du Rallye Monte Carlo, j’ai quelque peu « failli » à ma mission de vous conter nos journées à chaque fin d’étape. Et pour cause. Samedi soir je suis rentré littéralement vidé mentalement tellement la concentration fut intense. Alors un petit retour en arrière s’impose.
Etape 1 – Samedi 29 Juin
8h45. Après une journée plutôt positive la veille, nous savons qu’aujourd’hui nous entrons dans une autre dimension. La liaison est courte jusqu’à Paprotki et Florian, comme toute l’équipe, sentent que je suis tendu ce matin. Les anciens souvenirs resurgissent quelque peu, beaucoup trop de questions en fait. Ce matin, c’est encore plus tendu qu’à l’accoutumé.
10h02. Nous en terminons avec l’ES2, assez perplexe. Pas en confiance avec les notes dans le rapide, certaines trop optimistes et d’autres sous notées, nous ne sommes pas encore passé en mode « gravel ». Pilotage trop en ligne, recherche de belles trajectoires ou freinages encore hésitants, la sanction est lourde mais logique. Direction Stare Juchy avec un profil encore différent et un besoin de repartir de l’avant.
12h04. Fin de cette première boucle avec les 28,62km d’Olecko et sa dernière partie ultra rapide. Après 60km, on peut déjà tirer les premiers enseignements et avoir une bonne idée de ce qu’il faut améliorer. On a changé les cartos pédale, d’anti-patinage, rouler sur le goudron, le sable, dans les fines traces où s’en écarter peut-être rédhibitoire lorsque vous flirter avec les 180km/h, voir au-delà. On a également pu checker nos notes et éviter les pièges. La longue liaison de plus de 2h nous laisse le temps de contacter Frédéric Anne et Daniel Giroud pour debriefer et trouver des solutions.
14h34. Sur les conseils de Michelin, nous partons dans la seconde boucle avec la nouvelle gomme proposée, le LTX. La pause, le repas concocté par notre cuistot Tarik et une grosse remise en question, nous permettent de repartir dans l’ES6 avec un nouvel état d’esprit. Et cela se ressent immédiatement. L’engagement est bien supérieur, Florian se force à jouer d’avantage avec l’auto, à faire confiance au grip et en définitive, les notes maintenant corrigées sont assez parlantes. Sur cette étape, les routes restent dans un excellent état et heureusement à la vue des vitesses moyennes … Les sensations sont dingues et on se demande où sont les limites.
18h17. Quelques kilomètres en amont, nous avions de fort doute quant à notre capacité à rejoindre l’arrivée de cette ES8. Dans cette partie entre les champs où seule une épingle et un croisement nous ralentissent sur presque 5km, on ne rentre pas assez dans une corde, l’arrière chope les graviers et nous venons nous poser en équilibre sur 2 roues entre la route et le champ et cela toujours sur le 6ème rapport ! Les 5s suivantes durant lesquelles le rétro de Florian balayait les pousses de blé et moi qui était 1m plus haut que lui, nous ont paru interminable et nous redoutions tous les deux le moment où notre parechoc avant irait rencontrer un rocher, une buse en béton ou un trou. Finalement, notre Clio remonte sur la route et nous pouvons souffler.
Un peu de nettoyage pour évacuer le blé et la terre, raccrocher un peu le parchoc meurtrie et nous revoilà sur la liaison. Cette deuxième boucle était complétement différente de celle du matin avec des améliorations de près de 2s/km. Florian avait le retour d’informations de la voiture qu’il attendait, les notes lui parlait, j’étais également plus dans mon rôle de chef d’orchestre que d’analyse globale et le pilotage s’approchait de la vérité. Tous ces facteurs ont augmenté le plaisir et la performance générale. Mais nous étions encore en queue de peloton et quand vous avez une âme de compétiteur, le constat est dur à avaler. Pourtant, passer de 3,8s/km à 1,6s/km en quelques heures sur une épreuve telle que la Pologne est déjà une performance en soi.
21h50. La voiture est désormais en parc fermé. Nous avons utilisé au mieux les possibilités de la flexi-assistance qui nous permettent de préparer en amont le travail et maximiser ainsi le temps d’assistance. A peine rentrer au camping, nous repassons en revue les spéciales du lendemain pour ajuster les notes après l’enseignement appris aujourd’hui. Coucher 23h30, c’est une fatigue psychologique qui me terrasse. La concentration nécessaire pour envoyer les notes dans le bon tempo alors que je n’ai aucune visibilité sur la route, que vous êtes basculé à droite et à gauche sans interruptions, sans parler des ciels, sauts qui vous perturbent les repères, on a tous les deux beaucoup donné sur cette première étape. Finissons le boulot demain.
Etape 2 – Dimanche 30 Juin
9h39. Partir plus loin au classement nous donne au moins l’avantage de dormir un peu plus. Bien que plus courte, la deuxième étape est probablement encore plus compliquée car malgré les vitesses élevées la veille, on dénombre très peu d’erreurs. Pour la 4èmefois, nous reprenons le tracé de Mikołajki Arena qui est maintenant très dégradé. Partis sur un bon rythme malgré les rails et compressions surprises, nous heurtons une racine ou une grosse pierre dans un droite qui nous crève instantanément le pneu. Avec 4km à faire, nous roulons jusqu’à l’arrivée pour limiter la casse. Sans roue de secours, les deux prochaines spéciales se feront « cul serré ».
12h04. Fin de cette boucle qui a fait des dégâts : Llarena, Talas, Hokkanen en restent là et nous progressons au classement. Les spéciales du jour sont nettement plus techniques et dégradées et la marge d’erreur se réduit encore. Beaucoup y sont allés de leur crevaison, tout droit, touchette ou sortie.
15h43. Nous sommes bloqués au départ de la dernière ES de ce rallye suite à plusieurs sorties de route. De quoi vous mettre en confiance. Nous partons avec l’envie de réduire l’écart en dessous de la 1s/km pour terminer cette manche sur une bonne. Malgré nos efforts, notre engagement, la dégradation du terrain, le besoin impératif de terminer nous fera échouer proche du but. Mais l’objectif est largement atteint.
17h12. Après une brève assistance pour dépoussiérer notre Clio R3T, nous attendons notre tour dans le centre de Mikołajki pour monter sur le podium final. Plus habitués à fêter l’arrivée au champagne ces derniers mois, il nous faut relativiser sur la montagne que nous avions à gravir ici en Pologne : pas d’expérience de la terre pour Florian, peu de roulage de la Clio sur cette surface, un terrain hyper spécifique et qui demande beaucoup d’engagement à ces vitesses stratosphériques, il aurait été compliqué de faire beaucoup mieux. Nous repartons malgré tout avec 2 points supplémentaires et surtout une grosse expérience pour la suite.
Il est temps pour moi de remercier toute notre équipe sur place, Frédéric, Philippe, Thomas, Daniel, Sylvain et Erik, Daniel Giroud de chez R.Tec à distance, Tarik notre cuistot, nos partenaires et vous tous pour les messages d’encouragements et de félicitations malgré une place finale inhabituelle. A Rome, nous serons en terrain connu.
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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.