Au mental (Jour 8 et 9 / Dakar 2021)

Spéciale 7: Ha’il > Sakaka / Liaison > 284 km – Spéciale > 453 km
Après une journée de repos bien utilisé par les hommes et les machines, Valentin et Jean Luc repartaient pour cette deuxième semaine plus motivés que jamais. Ils avaient fait tout ce qu’il fallait pour être fermement attaché à la 3ème marche du podium en T3 après 6 étapes: très peu d’erreurs, une seule crevaison, 3 courroie et des égarements de navigation vite rectifiés. Ils avaient de quoi être confiants au départ de Ha’il:
» Alors que nous sommes au départ entrain de nous casquer et nous préparer, je m’aperçois très vite que le sable est très maléable, beaucoup moins porteur que les autres jours. Les 80 premiers kilomètres sont hyper défoncés, on se fait secouer dans tous les sens, on sert les dents mais pour le plaisir on repassera. On est sur un bon rythme et on fait l’erreur de le garder lorsqu’on arrive sur les pistes caillouteuses. Rappel à l’ordre immédiat avec une crevaison au km112. On change alors immédiatement de braquet pour dérouler et ne pas oublier que ce soir, on devra mettre la main sur les outils si besoin ! On souffle 20min au refuel du PK233 et c’est là que la galère commence. Le soufflé du cardan droit est arraché. Comme il est interdit de toucher à l’auto dans cette zone, on prend la décision de rouler et en ayant une oreille attentive derrière pour s’arrêter si besoin. Le cardan tient, encore et encore mais dans une mini portion de dunes de 1km (une goutte d’eau dans l’immensité du désert), on se tanque sur une dunette. On change alors le cardan et paradoxalement j’avais le sourire: je me sentais vraiment au Dakar, tanqués dans ce sable, les mains dans le camboui et l’hélico de la TV à 50m qui prenait des images. En 15min, on était prêt à repartir, on s’active avec le cric, les pelles, les plaques, on sort le Zephy et on le stationne un peu en amont sur un endroit sûr. Pleins d’entrain, nous voilà de retour mais on se repose sur la même dune ! Dans l’agitation, on avait oublié d’enlever ce qui fait office de frein à main: grossièrement, on freine et on ferme un robinet sous le tableau de bord pour maintenir le système en pression et ainsi bloquer les roues. Cette fois on y laisse beaucoup d’énergie mais on ne lâche rien. J’ai dit à Jean Luc de se garer plus loin, tant pis si je mets 5min à revenir avec le matos, il faut qu’on passe ce cordon de dune. Mon pilote m’apprécie trop pour me laisser galérer et s’arrête deux dunes plus loin. Et devinez quoi ? Un geranium ! »
« Ah non, bien sûr on s’ensable de nouveau. Le ton monte un peu, les nerfs s’échauffent mais on a besoin d’évacuer notre frustation. On fini par repartir derrière Mathieu Margaillan que l’on voit glisser devant et se poser en direct. Confiant sur les capacités de franchissements de notre Zephyr, on ne se laisse pas abattre mais nous voilà embarqués dans la même chorégraphie et on s’arrête dans l’auto de Mathieu. Impossible de manoeuvrer, on est prisonnier jusqu’à la garde. En faisant le tour, on se rend compte que ce chemin de croix était dû au cardan gauche qui était sorti de son logement. On était en 2 roues motrices droites depuis le début ! La nuit tombe et on est pas plus avancé mais la sangle est prête au cas où. C’est le concurrent #363, un vieux Toy’ pick-up conduit par des espagnols, qui nous sort tous les deux de notre prison. Il reste 70km avec un cardan démanché, de nuit, dans la poussière et le sable. On aura passé plus de 2h sur ces 500m de dunes … On arrive finalement au bivouac/assistance exténués mais conscients qu’on est pas encore couchés. En faisant l’état des lieux, on s’aperçoit que les dégâts sont plus importants que prévu: le cardan côté gauche a usiné les canelures de l’entrée de boite, les freins ont flambé suite à notre oubli, il faut changer un pivot, on a plus de cardans. Et tous nos équipiers en Zéphyr sont dans ce cas, les cardans ont dégusté tout comme les boites et les pneus. Les deux camions d’assistances Ph-Sport en course (les seuls à pouvoir aider ce soir) arrivent vers 23h et commence alors une sacrée organisation: debrief de tous les problèmes, répartitions des pièces car il n’y en a pas pour tout le monde et organisation entre les équipages et les 4 mécaniciens pour les 7 voitures. Bien sûr, les équipages aident à leur niveau mais ces hommes sont nos héros. Nous nous sommes couhés à 1h alors que nos anges gardiens eux, continuaient leur magie. »
On repart pour un tour ?
Spéciale 8: Sakaka > Neom / Liaison > 334 km – Spéciale > 375 km
» Lorsque je me suis révéillé à 6h le lendemain, les mécaniciens revenaient juste d’un dernier galop d’essai avec notre Zephyr avant de repartir. Imaginez: Ils ont fait la même spéciale que nous, ont bossé toute la nuit sur les autos et doivent maintenant faire la spéciale 8 pour rentrer au bivouac. Nous sommes admiratifs et reconnaissants pour leur dévouement, les mecs chapeau et un immense merci ! Si on est encore là, c’est grâce à vous !! »
» Ce matin, notre seul objectif était de rallier le bivouac pour se refaire une santé. A cause de notre mauvaise place la veille, on part loin, seulement 30min devant les premiers camions. On se fait pièger à un Waypoint qu’on a eu du mal à faire « claquer ». On était 6 SSV et autos à jardiner dont Lionel Baud et Loïc Minaudier, qu’on décide de suivre. On connait les qualités de l’équipage, aussi bien en navigation qu’en pilotage et en voulant suivre le rythme, on crève dans ces parties pierres piégeuses de nouveau. Après le changement, on a rebaisser de cadence, surtout quand tu te fais doubler à 140km/h par un Kamaz ! A vivre au moins une fois dans sa vie, c’est hallucinant. On finit l’étape, heureux d’être au bout même si on était recouvert de poussière. On a vraiment pris sur nous pour ne pas en faire trop et se calmer. Ce soir, on sait que notre Zephyr sera bichonné par le JLT Racing et en partant un peu plus devant, on espère rééditer nos premières étapes. La journée de demain au bord de la mer rouge, avec des pistes typées WRC promet un plaisir d’enfer et des paysages grandioses. Il va falloir profiter car la fin du rallye sera très très corsée. »
Alors qu’ils étaient toujours 4ème à 30min du podium, le duo du #397 s’est fut infligé une pénalité d’1h pour mauvaise interprétation du réglement spécifique à la journée marathon. Le mécanicien s’est aventuré quelques mètres en dehors du bivouac pour tester les freins et la mécanique, hors pour ce bivouac marathon, il était interdit de quitter le bivouac avant son heure de sortie. Ils rétrogradent en 5ème position, à 10min de la 4ème place, rien est perdu !
Spéciale 9: Neom > Neom / Liaison > 109 km – Spéciale > 465 km
Sortie du Bivouac à 9h27 pour le #397 et départ en spéciale à 11h22
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Sources:
Photos: Valentin Sarreaud / PH-Sport
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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.