A chacun son language – Partie #2 (Sebastian Marshall / Angleterre)

Pour ce premier reportage, il nous semblait logique de débuter avec la langue de Shakespeare, une des plus représentées en rallye, si ce n’est la plus représentée. Je parle bien évidemment de l’anglais. Outre les équipages provenant des pays anglo-saxons comme le Royaume-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Canada ou les Etats-Unis qui se tournent naturellement vers leur langue maternelle, d’autres pilotes ont fait le choix plus surprenant de l’utiliser. Surprenant ? Pas tant que ça finalement.
Pour être efficace en rallye, il faut que les notes soient claires, rapides, percutantes et certaines langues peuvent être un frein à la performance. Mots trop longs, prononciation difficile ou erreur possible, l’anglais s’impose à eux comme une évidence. Ce choix permet également de s’ouvrir à de nouveaux coéquipiers plus expérimentés, étudier les notes des meilleurs comme Richard Burns ou Colin Mcrae. A ce titre, les plus connus sont s’en doute Juha Kankkunen et Petter Solberg. Particularité du premier: son emblématique copilote Juha Repo est aussi finlandais ! Pourtant les notes sont en anglais avec un magnifique accent finnois auquel s’ajoute quelques mots de finlandais qui ne sont pas traduisibles. Voici pour moi, une des plus belles caméras embarquées (bien trop courte d’ailleurs):
WRC Finlande 1998 – Juha Kankkunen / Juha Repo – Ford Escort WRC
Mais revenons à nos moutons. C’est Sebastian Marshall qui sera notre invité pour ce premier volet. Ce jeune copilote d’à peine 30 ans a déjà une jolie carte de visite. Il débute en 2005 au Royaume-Unis et se retrouve à peine 5 ans plus tard sur les routes européennes, en WRC et en Championnat d’Europe aux côtés d’Harry Hunt. S’en suivra une collaboration de 3 ans avec l’australienne Molly Taylor en JWRC notamment avant d’atterrir dans le baquet du hollandais Kevin Abbring dans l’écurie Peugeot puis en WRC chez Hyundai. Après la retraite sportive de John Kennard en 2017, l’emblématique copilote d’Hayden Paddon, c’est Sebastian qui est choisi pour épauler le néo-zélandais. Une collaboration ponctuée à ce jour de 5 podiums en WRC entre 2017 et 2018.
Pour illustrer les notes de Seb, nous avons choisi l’ES17 – KAKARISTO 2 du dernier Rallye de Finlande 2018 (notes entre 6min24 et 7min18). Et ce n’est pas un hasard:
S.M: « Lire toutes les notes sur cette spéciale est une sensation incroyable – il y a tellement de choses qui se passent, c’est vraiment intense mais très excitant ! Cette section particulièrement (surtout après le saut) est l’un des endroits où je parle le plus rapidement de toute le chrono. Tout ce que je dis doit être au bon moment pour que Hayden réagisse, plus vite ou plus lentement et ça ne se passerait pas aussi bien. »
WRC – Neste Rally Finland 2018: ONBOARD Paddon SS17
Les traductions de l’anglais au français sont volontairement du mot à mot afin que vous puissiez comprendre les termes utilisés. A vous de retrouver la signification de chaque signe:
1.
Yump into flat seven right over yump continues Kay left
Saut sur Droite 7 à fond sur ciel (ou saut), continue en gauche (« Kay » est utilisé lorsqu’il y a un léger sommet ou lorsque la distance au prochain virage n’est pas droite mais qu’on aperçoit le prochain virage. Comme un gauchi ou « pour » en français)
2.
Fifty, Max six left brick opens long, tightens down quick, Ten, Five right
50 mètres, Gauche 6 à fond « brique » ouvre long et referme rapidement, 10 mètres, Droite 5 (« Brick » désigne littéralement les briques placées dans les cordes pour empêcher de couper les virages)
3.
Kay eighty
« Kay » 80 mètres
4.
Fast half four right on
Rapide demi Droite 4 corde
5.
Kay left, Eighty, Half three left plus don’t on
« Kay » Gauche, 80 mètres, Demi Gauche 3 + pas corde (« On » est utilisé pour couper alors que « Don’t » pour pas corde. Hayden ne dit jamais « Cut » ou « Don’t cut » pour éviter les confusions)
6.
Eighty
80 mètres
7.
Flat mid jump, Fifty, Flat seven right over small crest
Mi saut rapide, 50 mètres, Droite 7 à fond sur petit ciel
8.
Eighty
80 mètres (les triangles en dessous signifient que la prochaine note arrive très vite)
9.
Early flat six left over crest opens, Thirty, Max six right plus
Tôt Gauche 6 à fond sur ciel ouvre, 30 mètres, Max Droite 6 +
10.
Eighty, Flat six right plus nips, Ten
80 mètres, Droite 6 à fond lèche, 10 mètres
11.
Flat seven left straightens Into absolute long seven right over crest nips
Gauche 7 à fond redresse sur Absolu Droite 7 Long sur Ciel lèche
12.
Twenty, Slight half six left minus don’t, straightens keep right
20 mètres, léger demi Gauche 6 moins pas corde, redresse tient la droite
13.
Fifty, Flat seven left
50 mètres, Gauche 7 à fond
14.
Eighty, Tuck max six left plus, One twenty
80 mètres, petite corde Max Gauche 6 +, 120 mètres (« Tuck » signifie que c’est une petite corde (1 roue) tandis que « Hook » est utilisé pour une maxi corde (moitié de la voiture))
15.
Tuck max seven left , Into kay right, One hundred
Petite corde Max Gauche 7 sur « Kay » Droite, 100 mètres
Les bonus de Sebastian:
« J’écris en colonne plutôt qu’en ligne car j’ai toujours fait comme cela ! Une technique que j’ai apprise lorsque je travaillais avec Robert Reid. D’autres copilotes l’utilisent comme Scott Martin, Michael Orr, Michael Park ou Fabrizia Pons (qui en est la créatrice je crois). Pour moi les avantages comparé à une écriture en ligne classique sont que cela est plus simple à suivre, plus aéré et surtout plus simple à corriger en reconnaissances ou en course. Notamment lorsque les ouvreurs ajoutent de nombreuses infos, vous avez toujours de la place pour les écrire.
Tout comme le système de notes d’un pilote, ma façon d’écrire les notes est en perpétuelle évolution. Par exemple, je dois sans cesse inventer de nouveaux symboles lorsque je change de pilote car chacun à son propre vocabulaire. Ou simplement pour me faciliter la tâche en reconnaissances. Il est très important que ce soit clair et efficace lorsque vous roulez dans des voitures très rapides comme les WRC car vous avez peu de temps pour y penser ! »
Un immense merci à Sebastian pour sa disponiblité et son intérêt vis à vis de ce projet. Il n’a pas hésité à dévoiler quelques uns de ses secrets pour que vous puissiez juger du travail d’un copilote de niveau mondial. J’espère que ce travail de recherche, surtout pour les copilotes, vous aura ouvert l’esprit sur d’autres techniques et façon de faire. L’épisode 3 est déjà en cours d’écriture 😉
Sources:
EWRC-Results: Sebastian Marshall
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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.