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Une préparation sur mesure (V.Sarreaud / Dakar 2019)

Aujourd’hui, Valentin s’est envolé pour le Pérou et il espère que toute sa préparation «express » portera ses fruits. Justement, comment se prépare t’on à une telle épreuve lorsque l’on va quasiment tout découvrir sur le tas ? Pour ceux qui voudraient un jour tenter leur chance, c’est le moment d’écouter !

 

  1.  La préparation physique

Inutile de faire des heures de musculation pour ressembler à un body builder ou se sculpter un corps pour l’exhiber sur la plage. Il s’agit ici de préparer son corps à encaisser des chocs à répétition, pouvoir enchainer des heures d’épreuves spéciales sur plusieurs jours, supporter la chaleur, le manque d’oxygène et surtout éviter les blessures. Le rallye-raid est un SPORT mécanique et certainement l’un des plus éprouvants. Alors oublier le cliché de l’amateur qui se lance dans le périple la clope au bec et la bière dans une main, ce temps est révolu :

« L’avantage d’être pompier professionnel est évidemment d’avoir une hygiène de vie assez proche des besoins d’un sportif de haut niveau. Le sport est une activité quotidienne pour moi entre le travail en caserne, les séances de crossfit (merci à Crossfit Alès) et le vélo ou la course à pieds. Mais depuis ma promotion dans le baquet de Mika, j’ai accès plus spécifiquement chaque séance : renforcer les cervicales et le cou mais aussi le bas du dos qui est un peu mis de côté en général. Travailler le cardio et l’endurance pour pouvoir rester lucide durant presque 10h d’épreuve entre la liaison et la course, s’adapter aux changements de rythme qui peuvent survenir lorsqu’on passe de la position assise à un changement de roue ou un désensablage imprévu. Enfin la récupération pour ne pas lutter à reprendre son souffle pendant de longues minutes alors que nous sommes déjà repartis dans la course. Et bien sûr ne pas s’emballer pendant les fêtes de fin d’année ! »

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Le mental doit également être préparé en conséquence et presque autant que le physique car c’est lui qui prendra le relais lorsque tout le corps dira stop. C’est aussi pour cela qu’il n’y a pas de recette universelle miracle et que chacun doit se préparer selon ses besoins et ses envies. Qui pouvait imaginer un jour qu’un certain Philippe Croizon, amputé des 4 membres, puisse ne serait-ce que participer à une telle épreuve ? Et pourtant il l’a faite ! Ou Daniel Elena, qui ne fait pas partie non plus des standards actuels chez les copilotes professionnels, et pourtant qui gagne. Il n’y a pas de limites, seulement celles que vous vous fixez.

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     2.  La réglementation

Une part importante du travail d’un copilote, les différents règlements deviennent vos livres de chevet tout au long de la saison. Ils évoluent sans cesse et il est de votre responsabilité d’être à la page sous peine de subir de lourdes conséquences :

« Mon expérience, notamment en WRC, m’a inculquée une certaine méthodologie pour lire mais surtout comprendre les règlements. Il peut parfois y’avoir autant d’interprétations que de copilotes ! Heureusement, certaines règles sont communes aux rallyes classiques mais beaucoup d’autres sont spécifiques à la discipline du rallye-raid. J’ai donc lu une première fois un peu rapidement tous les documents en entier puis j’ai refait des lectures plus espacées mais plus en profondeur pour noter les indispensables et poser des questions si besoin. Le chapitre sur la navigation est évidemment ma priorité car c’est la grosse nouveauté pour moi. J’ai la chance d’avoir un pilote et surtout une équipe expérimentés qui pourront m’aiguiller et répondre à mes interrogations donc je sais que serais épaulé. »

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   3.   La cohésion d’équipe

C’est bien l’élément déterminant dans la réussite d’un équipage. Enfermés dans 3m2 pendant des jours entiers et même des nuits, il faut que l’alchimie soit parfaite pour que le duo fonctionne. Car si le moindre grain de sable peut tout enrayer, inutile de vous rendre à 10 000km de chez vous, il n’y a aucune chance que cela fonctionne. Il faut que les vases communiquent entre vous : lorsque le pilote a un coup de moins bien et une baisse de motivation, il faut que le copilote soit là pour lui redonner la petite étincelle pour repartir de l’avant. Ou lorsque le copilote s’emmêle les pinceaux, il faut que son coéquipier l’aide et ne l’enfonce pas inutilement. L’équilibre est fragile et il se réduit encore lorsqu’on ajoute fatigue, stress, pression, énervement, etc …

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Les tempéraments doivent être complémentaires pour qu’une telle aventure puisse s’apprécier à sa juste valeur. Surtout que la plupart du temps, les deux compères se découvrent la veille de l’événement … On est loin d’un choix murement réfléchi après des semaines de tests en situation réelle, face à plusieurs possibilités et pris avec du recul. Dans la majorité des cas, lorsqu’il y a changement de coéquipier, c’est dans l’urgence en faisant des compromis. On espère alors que ça ira :

« On ne se connaissait pas du tout avec Mika avant d’être côte à côte sur la liste des engagés du Dakar. Mais parfois il suffit d’une brève entrevue par téléphone pour sentir si le feeling passera entre nous ou non. Il avait ses critères pour trouver son nouveau coéquipier et à ses yeux j’étais la meilleure option. Désormais à moi d’assurer mon rôle. Chez les pompiers, la notion de groupe et d’entraide est primordiale, de même que pour un copilote donc cette faculté est presque devenue naturelle pour moi. Pour lui en revanche, même s’il a déjà fait quelques rallyes en Corse, il va découvrir pour la première fois le Dakar à 2 avec quelqu’un qui lui indiquera la route à suivre alors qu’il avait l’habitude de prendre ses décisions seules sur sa moto. Voilà la plus grande différence.

Nous avons pu passer 3 jours ensemble chez lui en Corse pour justement gagner du temps lors de la mise en route : sport intensif, roulage en buggy avec prise et diction de notes, apprentissage en accéléré d’un roadbook de rallye-raid et méthode de préparation et tout simplement passer du temps ensemble en discutant de tout et de rien. A la fin de ce court séjour nous étions déjà rassuré sur la partie cohésion et c’est hyper positif avant de s’envoler pour le Pérou. Je suis donc impatient de mettre en application toute cette préparation. »

   

     4.   La mécanique

Les rallyes modernes sont tellement devenus des sprints, que les parties de mécanique sur le bord des routes deviennent de plus en plus rares. Excepté en WRC, sur quelques épreuves marathon comme la Turquie, où une casse n’est pas toujours rédhibitoire pour le classement, forcé de constater qu’une banale crevaison peut ruiner tout espoir de points à l’arrivée de l’épreuve. En rallye-raid, la donne est tout autre entre les ensablements, les crevaisons, les erreurs de navigation ou un oued caché qui vous explose un train avant. Se trainer jusqu’au bivouac grâce à une réparation de fortune peut vous faire gagner un temps précieux (on parle d’heures ici) plutôt que d’attendre votre assistance en fin de peloton et d’arriver dans la nuit, exténués :

« J’ai pu passer quelques jours chez notre préparateur LCR30 avant l’embarquement au Havre. Il restait un peu plus d’une semaine au moment de mon inscription et Lionel, le patron, a été aux petits soins avec moi malgré le timing serré. Encore un grand merci à lui pour sa disponibilité et son écoute. J’ai pu faire connaissance entre autre avec l’équipe et notre futur buggy SRT propulsé par son moteur V8 Chevrolet de 480ch. Mais aussi régler ma position de conduite, prendre un peu la température à l’intérieur de l’habitacle qui ressemble plus à une capsule Soyouz qu’à une Fabia R5 !

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La veille du départ du matériel, on a pu faire  le déverminage du moteur avec Mika sur la piste de Monteils histoire de découvrir le bruit, le confort sommaire et les mouvements impressionnants du buggy à rythme soutenu. J’étais également là en tant que futur chef mécanicien de l’équipage car j’ai toujours pris très à coeur cette partie. Faire le tour de tout le véhicule, savoir où sont les outils, comment changer une roue qui pèse plus de 50kg à deux, la disposition des différents éléments et s’entrainer à changer quelques pièces critiques comme un cardan, une courroie, une pompe hydraulique ou encore une transmission. Ce que je faisais très rarement en rallye hormis une biellette de direction ou un triangle. Tout le reste est de toute façon trop long et vous seriez mis hors course. C’était également un premier entrainement pour l’étape marathon où après le premier soir, nous serons les seuls à pouvoir toucher l’auto. A la manière de Philippe Cottret (coéquipier de Peterhansel) pour Peugeot, nous établirons une check-list de tous les points critiques à vérifier. Dans la précipitation de mon engagement, j’ai au moins eu cette chance d’avoir pu participer à ces journées très enrichissantes qui seront complétées début Janvier au Pérou avant le départ. »

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   5.    La navigation

On attaque donc la partie capitale de cette article, la navigation. Si la part de réussite d’un copilote représente entre 30 et 40% sur les rallyes classiques, en rallye-raid la tendance s’inverse pour passer au-delà des 50%. Ce n’est pas pour rien que les copilotes « stars » se comptent sur les doigts de la main et que la moyenne d’âge est également élevée. L’expérience est un atout précieux et il se paye. L’approche sur un Dakar est bien plus complexe entre vitesse, anticipation, lecture du terrain, réflexion et prise de risque en navigation. L’équipage est quasiment aveugle en spéciale et seul le roadbook sommaire et le cap indiqué par l’écran du GPS indiquent le bon chemin. Désormais, les waypoints sont la bête noire du copilote et en oublier un peut être catastrophique :

« Les derniers jours avant le départ seront essentiellement accès sur la partie navigation, celle que je découvre entièrement. La difficulté est qu’il est presque impossible de se procurer physiquement un GPS pour pouvoir s’entrainer avant la course. Je dois donc me fier et éplucher en détail la notice fournis par l’organisation sans pouvoir mettre en pratique les exemples. Suivant les types de waypoints, le cercle virtuel de détection varie, mais aussi la vitesse maximale du véhicule, les pénalités en cas d’oublis, etc … Il y a un grand volume d’informations à digérer en très peu de temps. Pour le roadbook, je suis plus serein car même si en rallye il ne me servait qu’à me guider entre les ES, je comprends déjà le fonctionnement et la plupart des termes. A moi désormais de savoir le « préparer » la veille à ma manière pour que sa lecture soit limpide et fluide en spéciale. Comme pour le reste, je sais que je pourrais compter sur l’aide de mon équipe mais aussi de Xavier Panseri ou Daniel Elena qui ont déjà pris de leurs temps ces derniers jours.

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Nous aurons la chance de disposer dans notre équipe d’un « Mapman ou Mapper ». Tout le monde n’en dispose pas mais ce sera une aide précieuse, surtout pour moi. Cette personne est chargée de récupérer le road book le soir de chaque étape et d’étudier le parcours du lendemain. Il va tracer sur un logiciel l’itinéraire idéal en fonction des indications du roadbook et ainsi pouvoir décrire précisément le terrain rencontré, les pièges éventuels, ajouter des indications pour nous aider le lendemain, etc … Lors d’un briefing général, il va partager ces informations et nous faire gagner un temps précieux sur la stratégie à adopter. Il arrive que ce rôle soit tenu par des personnes restant en Europe et tout se fait uniquement par échange de mails ! »

 

   6.   Le soutien familial

Dernière partie de cette préparation, celle de l’entourage familiale. Les disciplines des sports mécaniques sont en général très chronophages pour les gens qui les pratiquent et cela se répercute forcément sur les proches qui ne comprennent pas toujours l’investissement personnel nécessaire. Pour performer et rouler l’esprit libéré, il faut donc pouvoir compter sur le soutien de sa famille qui saura accepter les sacrifices à la pratique à haut niveau :

« Rien ne pourrait être possible sans le soutien de ma compagne et de ma fille dans cette aventure mais aussi de la famille et des amis proches. Même si le rallye est dans mes gênes, je suis arrivé à une période de ma vie où de nouvelles priorités sont entrées en jeu. Elles sont les deux premières personnes à qui j’ai parlé de cette opportunité et leurs accords est primordial pour moi. Si j’avais senti la moindre réticence ou complication, je n’aurais pas donné suite. Elles comprennent ma passion et tout ce qui en découle. Avec moins d’un mois de préparation et en plein pendant la période des fêtes de Noël, elles étaient pleinement conscientes que je devrais beaucoup m’absenter et à fortiori 3 semaines en Janvier ! Toute l’organisation du quotidien a été chamboulée afin de me dégager le plus de temps de préparation possible.

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Mais ce qui a été le plus compliqué pour moi, et ce que l’on ne voit pas, c’est d’expliquer à ma fille pourquoi son papa ne sera pas à la maison pendant si longtemps. Depuis sa naissance, nous n’avons pas été séparé plus de quelques jours et subitement je pars pour 3 semaines à des milliers de kilomètres de la maison. Nous avons donc eu l’idée d’afficher en face de sa chambre une carte du monde pour qu’elle puisse situer le Pérou et une autre avec le parcours en détails jour par jour. Je ne les remercierais jamais assez de me laisser vivre mon rêve mais il est encore plus beau lorsqu’il est partagé. »

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A la rédaction de WRS, nous n’avons aucun doute qu’avec un tel programme, Valentin sera prêt ce Dimanche 6 Janvier pour son premier Dakar. Nous lui souhaitons le meilleur dans cette aventure humaine extraordinaire et on a hâte de le retrouver dans 15 jours pour son debrief !

Vamos Valentin et Mika !

Bonus: Reportage de France 3 Corse

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C’est en feuilletant un vieux magazine de l’année 1994, que mon attrait pour le rallye a commencé. Il aura pourtant fallu attendre le Monte Carlo 2000 pour que j’aperçoive en vrai ces autos et ces pilotes qui me faisaient tant rêver. Depuis, cette discipline hors normes à guider ma vie, sous différentes formes, et j’ai désormais la chance d’y travailler au quotidien comme coordinateur sportif et copilote.

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